J’ai rencontré Anne-Sophie DE KRISTOFFY, responsable du pôle Sports/Lifestyle à la rédaction de TF1, le 7 mars dernier lors de la matinée « Tous avec nos championnes » organisée par TF1. Ces conférences étaient destinées à mettre en lumière des personnalités qui ont misé sur le sport féminin et des sportives aux parcours inspirants. Ancienne patineuse de haut niveau, Anne-Sophie DE KRISTOFFY présente un parcours remarquable dans le monde du sport et s’est imposée dans ce milieu à l’image de son parcours sportif. Alors que TF1 va diffuser les 25 meilleures rencontres de la Coupe du Monde féminine cet été, elle a accepté de répondre à mes questions. On a parlé de son parcours, de la médiatisation du sport féminin et de ses enjeux. Entretien.
Pouvez-vous présenter vos missions au sein de TF1 et nous parler de votre parcours?
Je suis directrice du service des sports rattachée à la direction de l’information, c’est à dire que je suis en charge de toute la production sports et lifestyle dans les journaux de 13h et de 20h de TF1 et aussi ce qui se passe sur la chaîne LCI.
Je suis arrivée à TF1 en 1984 après une carrière de patineuse. J’ai été 3 fois championne de France en 1978, 1979 et 1980. Je suis arrivée en 1984 et depuis je suis restée fidèle à TF1 d’abord en étant jeune reporter ensuite en étant commentatrice puisque TF1 avait acquis les droits du patinage donc j’ai commenté et j’ai produit les émissions de patinage.
Après la fin des droits de TF1 sur le patinage dans les années 2000, j’ai commencé progressivement à basculer dans une carrière de management et commencé à diriger des équipes. Je suis toujours là en 2019.
Comment avez-vous perçu en tant que sportive et en tant que journaliste l’évolution du traitement du sport féminin?
Il est perpétuel et je pense qu’il est indissociable de l’évolution de la société. Mon arrivée à TF1 c’était vraiment une sorte de speakerine du sport, aujourd’hui on n’a plus besoin de faire nos preuves, on sait qu’on peut être légitime.
Ce mouvement a été accompagné aussi par une pratique plus intensive avec des femmes plus performantes, avec des championnes qui émergent, des dirigeants qui croient au sport féminin comme Jean-Michel Aulas, des marques et des entreprises qui investissent sur le sport.
C’est une musique qui est globale et qui fait qu’aujourd’hui le sport féminin n’a rien avoir avec celui qui était émergeant il y a quelques années.
Grégoire Margotton et Bixente Lizarazu vont commenter les matchs de l’équipe de France lors de la Coupe du Monde féminine. Cela va donner une plus grande visibilité à l’équipe de France et au football féminin. Vous visez vraiment la compétence…
Je crois. Au même titre que des femmes pourraient commenter un sport masculin. Si une femme est compétente, par exemple Sarah Ourahmoune, si demain on devait commenter un match de boxe, pourquoi ne commenterait-elle pas un match de boxe masculin ?
L’idée c’est d’aller chercher la compétence et la compétence n’a pas de sexe. Les règles du foot sont universelles et ne sont pas féminines ou masculines. Je trouve que c’est intéressant d’entendre Grégoire et Liza commenter du foot féminin.
Je crois que le jeu n’est pas le même. Les filles trichent moins. Le jeu est plus fluide, plus élégant, c’est du beau jeu. Cela va être intéressant d’ailleurs de voir comment ces commentateurs plus « masculins » s’approprient un même sport mais à la mode féminine. Je suis curieuse de savoir comment ils vont s’approprier la matière.
TF1 va diffuser les 25 meilleures rencontres de la Coupe du Monde féminine. Cette diffusion en clair est un vrai enjeu pour le développement du foot féminin. Cela va amener l’intérêt du grand public donc des marques. Etes-vous conscients de ce rôle que vous avez à jouer?
Nous sommes conscients et acteurs. Quand TF1 achète les droits de la coupe du monde féminine de football, ce n’est pas seulement pour faire plaisir à la cause des femmes. Il y a aussi un enjeu d’audiences et nous sommes persuadés que cette compétition sera un réel évènement dans le pays, avec des retombées positives pour la chaîne et aussi les annonceurs. On espère aussi être un accélérateur pour le sport féminin et football féminin.
Vous expliquiez que dans votre carrière, pour vous démarquer des autres, vous avez voulu parler des champions, des parcours…
Dans le sport féminin, ce qui intéresse les marques c’est aussi l’aspect storytelling, pouvoir raconter des histoires…
Je pense que ce n’est pas propre aux femmes mais que c’est propre au sport et cela s’est vulgarisé. Quand je suis arrivée à la télé, on retransmettait les matchs, on posait 3 questions à la sortie du terrain et cela s’arrêtait là.
Aujourd’hui avec la multiplication des chaînes et la curiosité des gens, il y a de plus en plus d’histoires et le sport homme ou femme est pourvoyeur d’histoires exceptionnelles. Il y a le sens du sacrifice, la rigueur, l’entraînement mais derrière il y a des humains, il y a des obstacles.
A l’occasion de la journée de la femme le 20h le Mag qui passait juste après le journal de 20h proposait 5 minutes consacrées à Clarisse Agbegnenou la triple championne du monde de judo. Ce n’est pas son entraînement qu’on est allé voir c’est le fait qu’elle est née prématurée et que son engagement aujourd’hui est auprès des jeunes prématurés. Ce portrait est plein d’émotions. Parler du sport féminin c’est aussi parler de ces femmes qui s’engagent. On profite de sa notoriété sportive pour parler d’une cause et tout cela finit par être un cercle vertueux.
Grace aux réseaux sociaux, les sportives qui ne recevaient pas suffisemment de visibilité de la part des médias, sont devenues leurs propres médias. Qu’en pensez-vous?
Je trouve que c’est bien, qu’elles doivent bien l’utiliser et que c’est un espace. Les espaces TV sont limités. On va peut-être s’intéresser un peu à l’après-match mais les réseaux sociaux permettent vraiment à ces femmes sportives de s’approprier un espace et de raconter ce qu’elles ont envie de raconter.La façon dont elles s’habillent, dont elles consomment, la façon dont elles préparent, leur engagement dans une association. Elles ont toute liberté de s’approprier quelque chose et d’être vues par le plus grand nombre. C’est extraordinaire. C’est une opportunité pour elles.
Mon blog s’appelle Champions du Digital. Il décrit des parcours de sportives, de sportifs, d’experts dans le milieu du sport. Pour vous, que représente un champion ou une championne?
C’est d’être présent le jour J. Quand un champion s’entraîne des années à raison d’heures par jour et que le jour où il doit être champion olympique, il est là, là c’est grand! Teddy Riner est un formidable champion.
Avez-vous un message à faire passer à l’Equipe de France féminine qui débutera bientôt la Coupe du Monde en France?
Qu’elle croient en elles, qu’elles aient confiance et surtout qu’elles prennent du plaisir.
Je tiens à remercier Anne-Sophie DE KRISTOFFY d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Son parcours est particulièrement inspirant pour toute personne qui souhaite faire carrière dans les médias et le sport.