Nous avons eu la chance de rencontrer Benjamin Carlier, responsable de l’incubateur de startups sport à Paris, Le Tremplin. Candidatures des startups, Paris 2024, fan experience, économie du sport…nous avons fait le tour des tendances du digital et du sport. Entretien.
Simon Lepelletier : Pourriez-vous commencer par vous présenter et nous parler de votre parcours ? Comment êtes-vous devenu responsable de l’incubateur de startup sport installé dans une enceinte sportive au stade jean bouin à Paris ?
Benjamin Carlier : J’ai fait des études à l’Institut d’Etudes Politiques à Aix en Provence et ensuite j’ai fait un master management des organisations sportives. J’ai eu trois moments forts dans ma carrière. Le premier après mes études lorsque j’ai travaillé dans une agence de communication et de marketing sportif : Carat Sport. Ensuite je suis passé à autre chose, je suis devenu le collaborateur parlementaire de Valérie Fourneyron puis son chef de cabinet adjoint et son conseiller sur un certain nombre de questions comme l’économie du sport, la lutte contre le dopage et les relations internationales.
A la fin de cet épisode passionnant de 2011 à 2014, j’ai été recruté par Paris & Co (agence de l’innovation d’attractivité de Paris) pour mettre en place ce projet de plateforme d’innovation exclusivement dédiée au sport. C’est un projet que je dirige depuis maintenant 2 ans. Ce projet a été une idée de la Mairie de Paris exprimé dans le programme d’Anne Hidalgo en 2014. J’avais montré beaucoup d’intérêt dans son développement. Dans la continuité j’ai rencontré à la fois des personnes de la mairie et surtout des personnes de Paris & Co qui est mon employeur aujourd’hui pour mener ce projet.
Il n’y avait rien qui me prédestinait à travailler dans l’innovation puisque j’avais travaillé dans le marketing du sport, dans les relations institutionnelles du sport. Je peux dire que je suis plus là pour le coté relations institutionnelles globales et pour avoir réussi à positionner le Tremplin comme un acteur fort sur la scène française en terme de sport. Mon principal collaborateur est Omar El Zayat qui est responsable de l’incubation au Tremplin. Cette partie innovation, Omar El Zayat la connait sur tous ses aspects à la fois sur les problématiques financières, entrepreneuriales et produits.
SL : Parlons du Tremplin, vous avez lancé il y a deux mois (19 décembre 2016) un appel à candidature pour la 3ème promotion du Tremplin, pouvez-vous nous dire comment cela s’est passé ?
BC : Le Tremplin fonctionne par appel à candidatures tous les ans. Le premier avait été lancé début 2015 avec 100 candidatures. En 2016 il y avait également plus de 100 candidatures. Enfin début 2017 nous avons eu 110 candidatures. On reste sur des chiffres très intéressants qui sont la preuve d’une vitalité du monde du sport. C’est quelque chose de très important pour nous. Derrière, ce qui est important, c’est le consensus de sélection qui va nous amener à choisir les meilleurs. Ce processus se fait en plusieurs temps. Tout d’abord nous avons fait un tri des dossiers en les catégorisant par thématiques dans le sport (à qui s’adressent-elles, par types d’innovations…). Puis nous avons regardé les avantages et inconvénients de ces différents dossiers. Ce n’est pas normé mais ça permet de se retrouver dans plus de 100 candidatures. Ensuite nous adressons toutes ces candidatures aux partenaires fondateurs du Tremplin qui vont les noter. On va faire avec eux un comité de lecture pour passer de 100 candidatures à 40 dossiers retenus. Ces 40 dossiers seront auditionnés au comité de sélection. A ce stade les startups ont 15min pour présenter leur projet et 15mn de questions/réponses, pour enfin n’en retenir qu’une vingtaine.
SL : Pour cette 3ème promotion vous êtes à la recherche de quels types d’innovations dans le domaine du sport ? On parle de la réalité virtuelle qui va prendre un élan considérable dans les prochaines années…
BC : Oui forcément ce sera un élan considérable. Il y a de plus en plus de choses autour de la réalité augmentée ou de la réalité virtuelle. La réalité virtuelle permet surtout la gamification du sport. C’est essentiel puisque les personnes pourront faire plus de sport et comme on le sait, faire plus du sport c’est bon pour la santé. Dans l’avenir les effets bénéfiques sur la santé entraîneront une baisse des dépenses de santé et contribueront à la réduction du déficit de la sécurité sociale. Donc en effet il y a une vraie thématique porteuse et on a plusieurs startups qui ont candidaté sur la réalité virtuelle. Ce sont des dossiers que l’on va étudier avec grande attention.
SL : Pensez-vous que le sport est un secteur propice à l’innovation ? L’innovation par le sport est-elle nécessaire pour faire évoluer la pratique ?
BC : A la base oui le sport est un secteur propice à l’innovation. Par exemple il y a de nombreuses innovations qui ont été pensées pour le sport automobile pour la compétition, pour le haut-niveau et qui derrière sont redescendues dans les voitures que l’on utilise tous les jours. Le meilleur exemple aujourd’hui est la Formule E. On sait que l’on doit passer sur de l’électrique, que l’on doit avoir des nouveaux modes de consommation. Donc le sport automobile s’est positionné pour être précurseur sur un domaine. Cet exemple nous montre que le sport est un secteur particulièrement propice, parce que la performance est très importante ; elle doit pouvoir se mesurer. De plus l’innovation dans le sport permet de se retrouver pour pratiquer des activités sportives plus facilement avec des applications qui créent des communautés, elle permet également de gamifier la pratique, de se motiver. Toutes ces choses sont à mon sens très positives.
SL : Quelles sont pour vous les 3 tendances à suivre en 2017 dans le marketing du sport ?
BC : La 1ère tendance pour moi c’est la réalité virtuelle, en plein essor avec l’augmentation des data, la gamification. La deuxième tendance qui n’a rien avoir, qui n’est pas innovante mais pour moi centrale, c’est le sport en entreprise. Les entreprises commencent à comprendre que l’augmentation des performances de leurs salariés passe aussi par une activité physique et sportive régulière. Enfin une troisième tendance concerne tout ce qui va permettre grâce au digital d’augmenter et de faciliter la pratique du sport. Toutes ces applications permettent de trouver un match de football près de chez soi facilement et de trouver les partenaires. Krank travaille sur ce sujet au Tremplin. Je pense que toutes ces startups qui permettent de faire plus de sport plus facilement ont aussi un très bel avenir devant elles.
SL : Pensez-vous que trop de digital, trop d’écrans connectés peuvent nuire à la fan expérience dans un stade par exemple ? Comment les startup sport peuvent faire face à ce frein?
BC : Moi je pense qu’aujourd’hui les acteurs qui connectent les stades cherchent à faire venir plus de monde au stade et à rentabiliser plus la présence de ces personnes dans le stade. Mais pour donner envie aux gens d’aller au stade ou de consommer il faut que la Fan Expérience soit la plus intéressante possible. Cette Fan expérience permet quand même d’avoir une qualité de prestations dans les stades qui est très intéressante. Après il y a aussi une problématique qui peut se poser c’est de savoir si on ne va pas arriver comme dans certains stades anglais avec des prix de billets qui sont tellement élevés que les supporters qui mettent l’ambiance et font vibrer les spectateurs risquent de bouder les stades. A partir du moment où c’est un risque également pour l’acteur économique, je pense qu’il faut l’appréhender de la bonne manière. Puisque si demain le Vélodrome met en place un certain nombre de projets qui feront que les vrais supporters ne peuvent plus venir, il dévalorisera son produit. Donc grâce ou à cause de la logique économique je suis plutôt confiant là-dessus.
SL : Au moment où on se parle, plusieurs startups sport sont en collaboration avec la candidature Paris 2024, où en êtes-vous ? Réalisez-vous un accompagnement de ces startups dédiées à l’innovation dans le domaine du sport?
BC : Effectivement je ne peux pas vous dire laquelle puisque c’est confidentiel. Mais oui on a une startup du Tremplin qui travaille avec la Candidature de Paris 2024 et on en a plusieurs qui sont en contact en eux. Elles sont là pour enrichir le dossier, mettre en place de nouvelles expériences et pour étoffer la phase de candidature.
Dossier du mois : #Paris2024, une opportunité en or pour les #startups françaises ? https://t.co/F6YmrEgF10 pic.twitter.com/nCTgLLsaL4
— LeTremplin (@LeTremplin_) 22 février 2017
SL : Quels sont les ambitions pour l’incubateur sport le Tremplin à moyen terme, c’est à dire dans 5 ans ?
BC : Premièrement je suis un dès premier supporter de la Candidature Paris 2024 et soyons clair que l’on ait les Jeux ou pas ça ne va pas changer l’avenir du Tremplin. Le Tremplin existait avant que Paris prenne la décision d’être candidate aux Jeux Olympiques de 2024. Il existera après et les perspectives du Tremplin ne dépendent pas de Paris 2024. Forcément cela aura un effet accélérateur qui pourrait être extraordinaire et que je souhaite. Néanmoins je ne veux pas lier les deux. Il y a un énorme potentiel dans l’économie du sport. Le Tremplin doit forcément grossir puisque nous aussi nous sommes une startup. On a deux ans et demi d’existence. Aujourd’hui on est sur une quarantaine de startups et une dizaine de partenaires. On va essayer d’être plus référente et d’augmenter ce nombre de startups et d’arriver un jour à 100 startups et d’augmenter ce réseau de partenaires.
Mais ce que je souhaite surtout c’est de faire progresser nos rapports aux autres, avoir de plus en plus de liens avec des régions françaises, essayer d’être la tête de pont de l’innovation sportive en France de manière générale. Enfin d’étendre notre savoir-faire au niveau mondial. On commence à avoir de plus en plus de relations avec d’autres acteurs de l’innovation dans le sport en Europe. On suscite des vocations puisque des incubateurs de sport commencent à naître en prenant exemple sur Le Tremplin. On a accueilli des délégations du monde entier de Nouvelle-Zélande, du Brésil, d’Italie, des Pays-Bas, des Etats-Unis … On a envie que la France soit une nation pionnière de l’innovation dans le sport.
Merci à Benjamin Carlier d’avoir accepté cette interview. Nous lui souhaitons la meilleure des réussites avec Le Tremplin.
Étudiant en Management du Sport à l’ESG Paris, passionné de sport, de digital et d’événementiel, j’ai décidé d’évoluer professionnellement dans ce milieu. Continuellement à l’affût d’informations sportives et de nouveautés.